Qui est fou ?

IMG_1069 - Version 2Des difficultés d’intégration sociale. Une personnalité tourmentée. Des fascinations morbides. Des troubles du comportement. Une altération de la réalité, du discernement. N’ayant pas toute sa tête. Dérangé. Déséquilibré. Dépressif. Colérique. Taciturne. Brutal. Violent. Instable. Confus. Névrotique. Psychotique. Schizophrène. Pas fiché. Brillant. Amoureux de son corps. Décidément, l’État français et l’ensemble de ses membres – Parlement, gouvernement, population – présente les traits d’un malade à traiter en urgence.

Depuis le 14 juillet, on assiste en direct au travail d’un laboratoire : celui de la folie étatique. Depuis le vrai-faux avocat commis d’office, suicidaire, en passant par l’existence d’un arrêté préfectoral et municipal permanent de Nice interdisant toute circulation en centre ville et en particulier celle des véhicules de plus de 7,5 tonnes, la permanence de 70 fonctionnaires municipaux derrière les 1 250 caméras de la ville – une pour 283 habitants, à la charge de la collectivité locale, bénéficiant d’aides de l’État, du département ou de la région –, une demande parlementaire, au moment de l’Euro 2016, du maire en exercice visant la connexion non légale du fichier des personnes fichées S, à savoir les présumés djihadistes, et de fichiers générés par un système de reconnaissance faciale installé sur le réseau municipal de caméras, la démission violente, la veille de la fête nationale, de la directrice de cabinet adjointe de la ville – et compagne du président du Département – pour raison de tensions répétées avec le désormais ex-maire de la ville et président de Région – corrompu, idéologue de la sécurité, raciste, « bébé Médecin », du nom du personnage anti-avortement, contre l’abolition de la peine de mort, maffieux et proche du FN, qui l’a introduit en politique –, l’appel de ses collègues adressé au gouvernement visant l’« enfermement préventif de tous les suspects fichés S », la déclaration d’un Premier ministre priorisant la « bataille culturelle et […] identitaire » devant le changement social et économique,… le diagnostic de schizophrénie démocratique d’ampleur se précise. Cela fait-il de cette démocratie un « soldat du califat » ?

Gilles Deleuze et Felix Guattari, en leur temps, vantaient le potentiel politique du schizophrène, en tant que « prophète » dans un capitalisme paradoxal, mondialisé et dysfonctionnel. Un « créateur », capable de faire surgir le futur dans le présent. Je crois, comme certaines féministes théoriciennes de la postcolonie, qu’ils ont tort. Leur vision occidentale de la « différence » les a éloignés d’une analyse critique de ce potentiel créateur qui ne vaut que pour l’Occident et pour ceux qui y sont acceptés : les vieux mâles blancs hétérosexuels.

Je crois plutôt qu’il existe un opportunisme conjoint et paradoxal entre États occidentaux et ce groupuscule qui se fait appeler EI, qui recrute une partie de ses soldats au sein des premiers. En témoigne la surenchère de la terreur : état d’urgence, augmentation des mesures sécuritaires, des contrôles aux frontières, des demandes d’enfermement, réduction des libertés publiques, surmilitarisation de l’espace, neutralisation de la contestation sociale… Pendant qu’en Occident cette folie joue en faveur de l’extrême droite, ailleurs, dans la périphérie, elle n’arrête pas de faire des morts en masse. Partout, elle attise la haine. Elle nourrit la mélancolie subalterne, l’inhibition, la paranoïa, les troubles d’identité sexuelle. En focalisant les discours de rejet, elle dépolitise les relations sociales. C’est d’ailleurs son seul trait marquant.

Joelle Palmieri
23 juillet 2016

 

 

3 réflexions au sujet de « Qui est fou ? »

  1. réflexions brillantes que je partage avec plaisir mais j’aurais aimé un développement des »troubles de l’identité sexuelle »
    je suis « un vieux mâle blanc »

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