Afrique du Sud : le traditionalisme et le masculinisme au secours du pouvoir politique

La sexualité s’est imposée au cœur du discours des dirigeants politiques sud-africains et en particulier de son ancien président en exercice, Jacob Zuma. Elle se double du recours régulier aux registres du traditionalisme et du masculinisme, au point qu’on assiste à un masculinisme politique. Dans un contexte d’augmentation constante de la pauvreté, de déploiement de la pandémie du sida, de crise politique et économique, une des cordes sensibles exploitées par les dirigeants actuels est le statut des hommes en tant qu’êtres de sexe masculin, « victimes », « émasculés », « détournés » par des valeurs « occidentales ». Les déclarations misogynes, les menaces sexistes, l’affirmation d’une force sexuelle masculine, par appropriation du corps des femmes interposée se multiplient. L’élite au pouvoir, bien que tiraillée, entend ainsi rassembler une base, noire, mâle et retrouver une certaine stabilité. Elle opère sur le terrain du sexe et du droit pour les hommes à affirmer leur virilité à tout prix. La banalisation nationale des violences de genre et une schizophrénie entre État de droit et vie quotidienne s’opèrent alors de concert. La cristallisation des identités ethniques, religieuses, traditionnelles et de genre entraîne ainsi le pouvoir politique sud-africain dans la réplique de la domination masculine héritée de son histoire coloniale. Il n’est pas certain que les toutes dernières évolutions politiques en Afrique du Sud changent sensiblement la situation car il ne s’agit pas simplement du comportement d’un homme, fût-il président de la République.

En Afrique du Sud, en contexte post-apartheid puis post-colonial[1] et aujourd’hui néolibéral[2], les négociations entre genre et pouvoir politique se font très ostensiblement à travers la sexualité. En contexte d’augmentation constante de la pauvreté, de crise politique et économique[3], une des cordes sensibles exploitées par les dirigeants sud-africains actuels est le statut des hommes en tant qu’êtres humains de sexe masculin. Ils auraient « tout » perdu, y compris leur virilité, et auraient « tout à gagner » à revenir et à réapprendre des « valeurs africaines solides », sous-entendu « non occidentales ». Tous les moyens semblent être bons, les affirmations misogynes, les menaces sexistes ou l’affichage de la pratique de la polygamie (garante de la force sexuelle masculine), de la pratique du viol ou du meurtre ciblé de femmes, autant de symboles de cette force à opposer à un féminisme supposément importé. Au cœur de cette crise et au sein de l’arène politique, des voix s’élèvent pour dénoncer les violences sexuelles, mais en choisissant d’afficher une bienveillance à l’égard des femmes, en tant que mères, sœurs, filles, ces voix alimentent une dialectique sexiste.

Dans cet article, il est question d’analyser en quoi et comment, en Afrique du Sud, priorité est donnée à la stabilisation d’un pouvoir politique en perte de légitimité et au rassemblement d’une « base »[4] noire et mâle. Nous allons voir que cela s’opère sur le terrain du sexe, tout simplement, et du droit pour les hommes à affirmer leur virilité à tout prix : la quête de légitimité, le rattrapage, s’opèrent par l’affirmation d’une forte identité sexuelle masculine (y compris chez les femmes en position de pouvoir), en tant que seule force possible, seule expression de puissance possible. Une forme d’arrogance nationale des violences, de genre en particulier, et une schizophrénie entre État de droit et vie quotidienne s’imposent alors au quotidien.

Il s’agit par ailleurs de démontrer que le pouvoir politique sud-africain perpétue une domination masculine héritée de son histoire coloniale. Les soumis de l’apartheid et de la colonisation d’autrefois deviennent aujourd’hui les agents d’une colonialité basée sur un impérialisme sexuel.

Nous verrons qu’au cœur du discours des dirigeants sud-africains, la sexualité se double du recours régulier aux registres du traditionalisme[5] et de la victimisation des hommes noirs, et plus spécifiquement du masculinisme. Même si ce dernier concept ne fait pas l’unanimité[6], nous nous appuyons sur les travaux de Georgia Duerst-Lahti et Rita Mae Kelly qui mettent féminisme et masculinisme en parallèle et évoquent très concrètement une idéologie qui « donne aux hommes et à la masculinité une position privilégiée dans les relations interpersonnelles et dans les structurent importantes de la société », ce qui influe sur les modes de gouvernance[7]. Ensuite, nous partons de la définition qu’en a donnée Michèle Le Doeuff « pour nommer ce particularisme, qui non seulement n’envisage que l’histoire ou la vie sociale des hommes, mais encore double cette limitation d’une affirmation (il n’y qu’eux qui comptent et leur point de vue) […] »[8]. En plus de hiérarchiser les relations humaines en terme de genre, les mouvements masculinistes affirment que les hommes sont les victimes des féministes et que les victoires en faveur de l’égalité femmes-hommes sont allées trop loin au point que les hommes s’en trouvent discriminés[9].

En Afrique du Sud, le masculinisme opère sur le terrain des rhétoriques et stratégies électorales des dirigeants politiques au plus haut niveau, au point de constituer ce que nous nommerons un « masculinisme politique », à défaut de pouvoir le qualifier de « masculinisme d’État ». Afin d’aller plus avant dans l’analyse et de statuer sur l’existence ou non d’un masculinisme d’État – par analogie au féminisme d’État –, il faudrait notamment établir que ce masculinisme organise les politiques étatiques, structure le travail de l’ensemble des personnes œuvrant pour l’appareil d’État, induit l’augmentation de la production législative de l’État dans le domaine de la défense systématique des hommes en tant que victimes et fait de sorte que l’appareil d’État intègre formellement en son sein des militants d’organisations masculinistes dans le but de soutenir l’ensemble de ces politiques. Cette analyse n’est pas l’objet de cet article.

Afin de mener à bien cette investigation, une recherche documentaire fouillée a été conduite, nourrie d’entretiens sur les effets politiques des usages d’Internet par des organisations de femmes ou féministes en Afrique du Sud sur les dominations masculine et colonialitaire[10], c’est-à-dire liée à la colonialité du pouvoir[11]. Une analyse institutionnelle du terrain de la recherche a été utilisée et a permis d’approfondir le contexte colonialitaire de l’étude : de nombreux textes de référence sur les politiques publiques en cours depuis la fin de l’apartheid (santé, économie/travail, sécurité/délinquance, égalité femmes/hommes), des études quantitatives et qualitatives sur les situations de violence aux niveaux local et international, tout autant que des reportages ou critiques des discours des dirigeants politiques (hors ou en campagne) ont été analysées. De plus, notre recherche menée en 2008[12] a permis de faire apparaître que les divisions de genre ne sont pas une priorité pour les dirigeants en exercice, ce qui génère des violences multiformes en accélération, décrites comme faisant partie du quotidien.

Des violences de genre exacerbées

L’Afrique du Sud connaît l’un des plus forts pourcentages de femmes parlementaires dans le monde[13], mais également l’un des plus hauts niveaux de viols[14]. À elle seule, la violence, endémique, relativise fortement le caractère égalitaire de la participation politique, exacerbant une spécificité autant géographique que politique. Comme le souligne Mike Brogden, le haut niveau sud-africain de criminalité, de violences et surtout de viols est expliqué par l’héritage ségrégationniste, un legs direct du régime d’apartheid ayant institutionnalisé la violence – emprisonnements, tortures, assassinats, viols, commis en toute impunité –, ses pourfendeurs ayant utilisé à leur tour les mêmes armes comme « réponse violente »[15]. Comme l’indique Gary Kynoch[16], la violence est, dans ce pays, une forme de socialisation, en particulier pour les Noirs car elle serait devenue le seul point de repère social, le seul mode de communication interpersonnelle[17] et le seul moyen de résoudre des conflits. En effet, la résistance qu’a engendrée ce système a induit une tolérance de la violence en tant que telle[18]. Malgré la lutte contre l’apartheid et l’avènement de la démocratie, malgré la création et le travail de la Truth and Reconciliation Commission Bill (Commission pour la vérité et la réconciliation), l’apprentissage de la pacification n’a pas encore abouti. Les conflits raciaux, de classe, de genre restent exacerbés par les inégalités de richesse entre Blancs et Noirs, hommes et femmes, toujours présentes, elles-mêmes renforcées par la situation de crise globale et une mise en concurrence économique et hégémonique spécifique du pays, en tant que modèle africain, à l’échelle internationale.

Selon de multiples sources[19], le taux d’homicide en Afrique du Sud est sept fois supérieur au taux mondial, atteignant 64,8 pour 100 000 en 2000[20], 34 pour 100 000 en 2015 (contre 5,3 pour 100 000 au niveau mondial pour la même période)[21], ce qui le place en cinquième position loin derrière le Salvador (139 pour 100 000) et devant la Colombie (27 pour 100 000), et en première position sur le continent africain. Si on rapporte ce taux à la population pour la même période (55,5 millions d’habitants), on peut affirmer que, dans ce pays, plus de deux personnes meurent par homicide toutes les heures.

Le 28 septembre 2017, l’Institut des statistiques d’Afrique du Sud diffuse un rapport intitulé Victims of Crime Survey[22], dans lequel les données sont non genrées, et où le terme « ménages » est privilégié pour qualifier les répondants à son enquête. Toutefois, l’étude confirme que, en 2016-17, sur une estimation totale de 1,5 million crimes (cambriolage/vol avec effraction, vol domestique, vol de rue, vol à la tire ou sac-arraché, agression, vol d’affaires, meurtre), le nombre total de ménages victimes s’élève à 1,2 million. L’Institut constate également que le taux de déclaration de crime varie sérieusement selon le type : de 95 % dans le cas de meurtre à 17,3 % dans le cas de vol de récoltes. Par ailleurs, The State of Urban Safety in South Africa Report de 2017 observe une baisse globale du nombre de meurtres depuis 2005 à l’exception du Cap qui présente un taux deux fois supérieur à celui des autres grandes villes du pays. Ce dernier a crû depuis 2009-10‚ augmentant notamment de 40 % entre 2011-12 et 2015-16[23]. En moins de dix ans, la cartographie du crime sud-africain s’est modifiée, Johannesbourg s’étant largement transformée en la matière.

En outre, l’Institut des statistiques affirme que la majorité des ménages a déclaré ne pas avoir signalé d’incidents criminels à la police par crainte que la police ne puisse intervenir ou ne fasse « n’importe quoi »[24]. Le rapport atteste une tendance à la baisse entre 2010 et 2015-16 des niveaux de confiance des foyers envers la police et les tribunaux. Néanmoins, ceux satisfaits par les tribunaux estiment que ces derniers ont apporté des peines appropriées et ceux satisfaits par la police sont d’avis que la police est bien sensible au genre et au handicap[25]. L’enquête a également mis en évidence une baisse de visibilité de la police sur les lieux des crimes au cours des cinq dernières années[26]. Les stratégies d’intervention policière et leur représentation au sein de la population ont donc également changé.

Cette situation meurtrière, ajoutée aux agressions liées à la pandémie du sida et à la perte de confiance vis-à-vis des organes de protection des populations, était déjà confirmée en 2007 par l’Organisation mondiale de la Santé qui compte ce pays parmi les plus violents du monde[27].

 

Au sein de cette violence, on peut isoler des taux très importants de violences de genre. Le rapport annuel du South African Police Service (SAPS)[28], publié en mars 2017, montre tout d’abord que la police a échoué à atteindre son objectif visant à détecter un crime sur trois contre les femmes, incluant les meurtres, les agressions et les voies de fait sexuelles. La police a seulement repéré 73,54 % de tous les crimes à l’encontre des femmes –146 216 cas sur 198 815 –, soit environ 1,88 % de moins que son objectif fixé de 75,42 %. Une étude récente publiée en mai 2017 et intitulée Statistics SA’s 2016 Demographic and Health Survey[29], portant sur 11 083 ménages représentant une population sud-africaine de 55 millions[30], parmi lesquelles 87 % de femmes noires, 9 % de femmes métisses, 3 % de femmes blanches[31], ne distingue pas les viols, mais se focalise globalement sur les violences physiques ou sexuelles. Il ressort du rapport qu’une femme en couple sur cinq (21 %) a connu une expérience de violence physique de la part d’un partenaire, et 8 % ont été victimes de violence physique dans les douze mois précédant l’enquête. Les femmes plus jeunes sont davantage victimes de violence physique que les femmes plus âgées : par exemple, 10 % des femmes de 18 à 24 ans ont été victimes de violence physique de la part d’un partenaire, contre 2 % de femmes de 65 ans et plus. Les femmes divorcées ou séparées sont plus susceptibles que les autres femmes de subir des violences physiques (40 % contre 14 % de femmes mariées et 31 % de femmes vivant en concubinage)[32]. Ces données montrent que les violences sexuelles touchent plus directement les femmes noires, jeunes, divorcées ou séparées. Par ailleurs, les expériences de violence conjugale varient selon les provinces du pays, allant de 14% au KwaZulu-Natal à 32% au Cap oriental (en large augmentation)[33].

L’étude Understanding Men’s Health and the Use of Violence: Interface of Rape and HIV in South Africa, publiée en 2009 par le Medical Research Council (MRC), apporte un éclairage important sur la question des viols. Un jeune Sud-Africain sur quatre reconnaît avoir violé au moins une fois dans sa vie. La moitié des hommes sondés au cours de l’étude du MRC avaient moins de 25 ans et 70 % moins de 30 ans. Selon le rapport, sur les 27,6 % d’hommes ayant commis un viol, « 23,2 % ont déclaré avoir violé deux ou trois femmes, 8,4 % quatre à cinq femmes, 7,1 % six à dix, et 7,7 % plus de 10 femmes ou filles ». Une recherche menée par le même organisme en 2001 auprès de 11 735 femmes interrogées en 1998 montrait que 153 d’entre elles témoignaient avoir été violées avant l’âge de 15 ans. Pour ce 1,3 % d’adolescentes, 85 % des viols avaient été commis entre l’âge de 10 et 14 ans et 15 % entre 5 et 9 ans. Le viol touche même des petites filles de cinq mois[34]. Les violeurs comme les violées sont très jeunes (adolescents) au point qu’on pourrait estimer que le viol est considéré par ces jeunes comme le seul mode de relations sexuelles.

Selon une recherche menée en 2002 sur le viol des jeunes filles pour le journal The Lancet, 21 % des violeurs sont des proches, 21 % des étrangers ou des connaissances récentes, et 10 % des petits amis[35]. Il existe une forte causalité de proximité. Selon une enquête menée par le groupe de recherche Community Information Empowerment and Transparency auprès de 300 000 enfants et adolescents de 10 à 19 ans dans 1 418 écoles et lycées du pays, 27 % des filles ou adolescentes violées par « quelqu’un qu’[elles] connai[ssen]t » ne considèrent pas l’acte comme une violence sexuelle, pas plus que les « attouchements non consentis »[36]. Cette constatation témoigne des biais dans les représentations de la violence dans ce pays, au point qu’il existe une distorsion entre sexualité et violence. Autrement dit, les rapports sexuels sont tellement entendus par les adolescentes comme « normalement » violents qu’il n’existe pas d’imaginaire de ces relations sexuelles, lié au désir, au plaisir ou à la libre disposition de son corps. De la même façon, plus d’un quart des jeunes garçons violeurs affirment que « les filles aiment être violées ». Le viol, les violences, procèdent d’une « adaptation à la survie dans une société violente ». Ils traversent les relations sociales et les dominent.

La plupart des viols sont perpétrés par des Noirs sur des Noires, et à une moindre échelle par des Noirs sur des Blanches (un sur dix), celles-ci ayant davantage les moyens financiers d’assurer leur sécurité personnelle[37].

Les données les plus récentes du SAPS[38] établissent qu’entre avril et décembre 2016, 42 496 cas de viol ont été rapportés. Mais une étude nationale de 2017 intitulée Rape statistics in South Africa estime le taux de viol réel à 77 pour 100 000[39]. En 2015, le taux de viol réel est estimé à 80 pour 100 000, soit plus du double du taux d’homicide (déjà très important, nous venons de le voir) pour la même période. De fait, les statistiques fournies par la police ne reflètent pas la réalité. Par ailleurs, il n’existe pas de données désagrégées par classe, sexe, race, âge. Les tendances et modèles sont donc difficiles à élaborer de façon appropriée. Comme Kath Dey, directrice de Rape Crisis, le précise, « les agressions sexuelles ne sont pas regroupées par classe ou race, santé ou pauvreté, genre ou âge. Elles peuvent avoir lieu n’importe où, n’importe quand »[40]. Selon Gareth Newham, responsable de la division de la gouvernance, du crime et de la justice à l’Institute for Security Studies, « les statistiques de viol du pays ne reflètent tout simplement pas la réalité vivante ». Newham les considère « insignifiantes »[41]. En outre, d’après une estimation produite par le Cape Town Rape Crisis Centre[42] en 1998, seul un viol sur vingt était reporté, ce qui amenait à plus de 1 200 000 femmes et enfants le nombre de personnes violées par an. En 2009, le Medical Research Council avait ramené ce ratio à treize[43]. Si on pondère les statistiques produites par la police à la population – 55,5 millions d’habitants – selon ce dernier ratio, on compte alors 555 555 viols en 2016-2017, soit 1 522 par jour, 63 toutes les heures, un par minute.

À titre de comparaison, d’autres pays africains connaissent bien le viol en tant que système, c’est-à-dire un ensemble de principes et de règles sociaux, traditionnels, religieux, juridiques, économiques, politiques, qui interagissent. C’est le cas notamment des pays qui ont vécu ou vivent des conflits armés, comme le Rwanda, la République démocratique du Congo (RDC), ou le Darfour – pour ne citer que quelques exemples africains –, où le viol sert d’arme génocidaire. Néanmoins, les taux relatifs au viol restent largement moins élevés qu’en Afrique du Sud : 1 100 par mois en RDC[44], 250 000 viols pendant toute la durée du conflit au Rwanda[45], 500 viols estimés entre 2003 et 2005 au Darfour[46]. Le viol sud-africain est endémique, touche une grande majorité de jeunes femmes noires, de façon récurrente et banalisée.

Le tableau sud-africain des viols est complété par celui des féminicides[47]. Ce pays connaît en 2009, selon une étude du Medical Research Council, un taux de féminicides cinq fois supérieur au taux mondial : 12,9 femmes tuées pour 100 000 – dont la moitié, 5,6 pour 100 000, tuées par un partenaire intime – contre 2,6 pour 100 000 dans le monde[48]. Selon une autre étude menée dans le cadre du programme « Prévention des violences et blessures » de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)[49], en 2015, le taux global de féminicides est de 2,4 pour 100 000 femmes alors qu’en Afrique du Sud ce taux atteint 9,6 pour 100 000[50]. Cette estimation signifierait que le taux de féminicides de ce pays atteint désormais quatre fois le taux mondial. 1 460 femmes sont tuées par an par leur partenaire sexuel[51], soit une toutes les six heures.

Ce phénomène – le féminicide intime –, contrairement à celui plus général des homicides de femmes ne baisse pas[52]. Ces tendances, spécifiques au pays, sont confirmées par une étude publiée par l’OMS en 2002 selon laquelle entre 40 % et 70 % des femmes victimes de meurtres sont, dans ce pays, tuées par leur mari, compagnon ou concubin[53]. La même étude montre que le taux de victimes noires (18,3/100 000) est six fois supérieur à celui des femmes blanches agressées pour lesquelles les auteurs des crimes sont plutôt et très majoritairement des hommes de passage ou en union libre (52,10 %), devant les petits amis (27,90 %) et les maris (18,50 %). On apprend également dans ce rapport que les femmes tuées par leur partenaire sont plus jeunes que celles qui le sont par des étrangers. L’âge moyen est respectivement de 30,4 ans contre 41,2 ans, ce qui tend à indiquer que les féminicides intimes ne représentent pas une extension des homicides « traditionnels », pour lesquels les meurtriers sont généralement plus âgés. Ici aussi, les principales personnes touchées par les féminicides sont des femmes noires, très jeunes et les auteurs des crimes, des hommes noirs, jeunes et très proches de la victime.

Globalement, les victimes sont tuées par balle. 66,30 % des criminels possédaient légalement une arme à feu au moment du meurtre et 58 % d’entre eux étaient employés dans le secteur de la sécurité. Ce constat s’ajoute à celui qui établit que 64,90 % des féminicides intimes auraient pu être évités si l’auteur n’avait pas légalement possédé une arme mortelle. De plus, l’étude de 2004 du Medical Research Council montre que la grande majorité des homicides de femmes restent impunis, avec moins de 37,3 % des crimes conduisant à une condamnation sous deux ans[54].

Ce phénomène des féminicides est devenu tellement important qu’en mai 2017 un hashtag, #MenAreTrash, a été créé pour dénoncer tous les cas à l’échelle nationale. L’initiative[55] connaît un succès surprenant. Il fait suite à l’assassinat par son compagnon de Karabo Makoena, femme noire âgée de 22 ans, portée disparue le 28 avril et dont le corps a été retrouvé le lendemain brûlé et enterré dans une fosse[56]. Nous verrons toutefois un peu plus bas que cette campagne ne révèle pas pour autant une prise de conscience globale des rôles de genre ou une remise en question de la classe des hommes[57] en tant qu’agresseurs versus victimes, ou de l’incidence du patriarcat[58], en plus du racisme, sur les inégalités dans les relations sociales[59]. Elle influe peu sur les politiques publiques et les discours des dirigeants qui ignorent ce contexte brutal et délétère.

Le traditionalisme, base du masculinisme politique

Parallèlement à ce quotidien banalisé de violence de genre, le pays connaît une montée du traditionalisme et du masculinisme. Le traditionalisme, tel qu’il est notamment mis en exergue par le président en exercice Jacob Zuma, est différent des traditions à proprement parler en cela qu’il décrit une idéologie conservatrice qui s’attache à transmettre des traditions, des croyances et des valeurs existantes de génération en génération, parce qu’elles sont supposément consacrées par le passé et donc éprouvées. Plus concrètement, le traditionalisme reconstruit en permanence une tradition mythique pour se maintenir au pouvoir. Il élabore lui-même des traditions et les fige – alors que les traditions peuvent évoluer – mais en interdit la transformation afin de soutenir l’argumentaire du pouvoir de ceux qui s’en servent. Le masculinisme quant à lui « recouvre la manifestation idéologique de la valorisation des masculinités et détermine la façon dont le pouvoir est organisé dans la société »[60]. Ces deux termes – traditionalisme et masculinisme – peuvent s’appliquer en Afrique du Sud pour caractériser tant les rhétoriques que les stratégies déployées par le gouvernement, et en particulier par ses dirigeants du plus haut niveau, mais aussi en grande partie par leurs détracteurs.

Jacob Zuma, au pouvoir depuis 2009, se définit lui-même comme un « tribun zoulou » fortement attaché à sa province d’origine, le KwaZulu-Natal. Avant-même sa prise de fonction, il a revendiqué des conceptions et des pratiques qu’il a qualifié de très traditionnelles, tel que le test de virginité ou la polygamie, tolérée dans la loi coutumière mais constitutionnellement illégale[61]. Il a par exemple organisé ses multiples mariages pour les officialiser publiquement et se donner ainsi la parole devant une audience étoffée. Cette stratégie était structurée par un arsenal discursif élaboré qui a alimenté, par son intermédiaire et celui de ses partisans, un nouveau discours d’intolérance et de rejet de l’autre, « nouveau » en référence au discours colonial et ségrégationniste et dans le sens où il fait renouvellement. Ce discours a été et reste ouvertement traditionaliste, imprégné de jugements de valeur relatifs au sexe, à la sexualité et à l’appropriation du corps des femmes, en particulier noires.

À titre d’exemple, lors d’un entretien télévisé avec Dali Tambo, personnalité médiatique de l’émission de grande audience « People of the South » sur la chaine SABC3, le 18 août 2012, le responsable politique a affirmé : « Je suis aussi heureux parce que je ne voudrais pas que mes filles ne se marient pas, car en soi c’est un problème de société. Je sais que les gens pensent aujourd’hui qu’être célibataire est agréable. Mais ce n’est pas vrai. C’est une distorsion. […] Les enfants sont importants pour une femme parce qu’en fait ils lui donnent une formation supplémentaire, celle d’être une mère »[62]. Selon Christi van der Westhuizen, Jacob Zuma « personnifie lui-même consciemment une sexualité spécifique et une identité de genre »[63]. En 2006, le procès pour viol dont il est sorti blanchi lui a servi politiquement : il est apparu publiquement comme la victime d’une propagande visant explicitement l’expression virile des hommes[64]. Il a évoqué sa situation de « pauvre homme persécuté du peuple »[65]. Il a ainsi célébré son acquittement en affichant publiquement et sciemment une idéologie patriarcale, en revendiquant le retour à des valeurs coutumières et a défendu son « droit » à remplir ses fonctions sexuelles comme sa « tradition culturelle »[66] l’exige.

Aujourd’hui et depuis longtemps, Zuma est au centre de scandales, politiques et financiers – l’homme politique est poursuivi pour 783 chefs d’inculpation de corruption, fraude fiscale et extorsion de fonds et est notamment poursuivi pour avoir favorisé le détournement de fonds publics au profit d’une famille d’hommes d’affaires dont il est proche, les Gupta. À la fin de l’année 2017, Zuma cède la présidence de l’African National Congress (ANC), ce qui implique un changement de présidence en 2019 (renouvellement de l’Assemblée Nationale et des instances régionales, débouchant sur la désignation du 5e président de l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid). Dans ce contexte spécifique, la corruption occupe une place centrale dans la crise politique dont le pays est le théâtre, d’autant que le président en exercice dément toutes les accusations. Cette situation divise les organisations politiques historiques de la période post-apartheid. Le Parti communiste sud-africain (SACP), un des alliés historiques de l’ANC, et le Congress of South African Trade Unions (COSATU), après avoir longtemps soutenu, pour ne pas dire propulsé Zuma en tant qu’alternative « progressiste » à Mbeki, jugé « trop libéral »[67], réclament aujourd’hui son départ, et au sein-même de l’ANC, les critiques finissent par s’exprimer, animées par la crainte de perdre les futures élections. Les modes opératoires de ces critiques s’écartent peu de ceux utilisés par Zuma au sens où ils occupent souvent le terrain de la sexualité et du masculinisme. Les comportements les plus caricaturaux et les campagnes les plus viles se multiplient, incluant des meurtres[68] et des calomnies.

Par exemple, le 6 août 2017, Mduduzi Manana, ministre adjoint à l’Éducation a frappé une femme noire lors d’une dispute dans une boîte de nuit de Johannesbourg. Le débat portait sur la succession des dirigeants de l’ANC et, selon les témoins, l’agressée aurait suggéré que le magistrat était homosexuel. L’incident a été très médiatisé et le principal intéressé, fort critiqué par son parti (l’ANC), s’est excusé et s’est dit prêt à assumer son acte au regard de la loi. Toutefois, à propos de cette affaire, Hendrick Makaneta, autrefois dirigeant du South African Student’s Congress (SASCO) et de la Ligue de la Jeunesse de l’ANC, qui milite aujourd’hui pour que le gouvernement mette l’accent sur l’enseignement des mathématiques dans les écoles, a blâmé les médias, les considérant « plus favorables aux femmes ». Il a pris la défense du ministre en déclarant : « La plupart des Sud-Africains sont prompts à tirer des conclusions lorsqu’ils entendent qu’une femme a été giflée par un homme, mais ils ferment souvent les yeux lorsqu’une femme [abuse] d’un homme »[69]. Ces réflexions nient l’ampleur des violences de genre dans le pays et placent le ministre en victime et « les femmes » en objets de manipulation contre les hommes politiques. Cette dialectique, utilisée couramment par les masculinistes (femmes et hommes), afin d’ignorer les violences de genre en tant que tension sociale et « les femmes noires » en tant que groupe social, prend, dans le contexte national, des contours sinon grotesques au moins rétrogrades.

Ensuite, Cyril Ramaphosa, vice-président de l’ANC et candidat à la succession du président, soutenu par le SACP et la centrale syndicale COSATU, a dénoncé une campagne qu’il a soupçonné être orchestrée par la Ligue des femmes de l’ANC[70], et derrière elle, Zuma et son ex-femme, Nksozana Dlamini-Zuma, première candidate de sexe féminin au poste de président[71]. Le 3 septembre 2017, il avait fait la Une de l’hebdomadaire Sunday Independent[72], puis des réseaux sociaux numériques, le journal ayant utilisé des échanges de courriers électroniques personnels, obtenus illégalement, dans le but d’accuser le responsable politique d’entretenir huit relations extra-conjugales avec des jeunes femmes qu’il aurait aidé financièrement. Le candidat, alors associé à l’image d’un « sugar daddy », n’a pas cherché à s’extraire de la dialectique sexuelle, s’est aussitôt positionné en victime d’une campagne qui exploite les violences de genre en tant qu’épouvantail d’une société en crise, et a démenti les faits en « avouant » avoir eu une relation avec « une seule femme », qui aurait pris fin huit ans auparavant. Il a ajouté avoir alors « négocié » cette aventure avec sa femme[73], Hope Ramaphosa (divorcée depuis les faits), qui a immédiatement pris sa défense. Dans cette affaire, le centre des débats a moins été les femmes objets d’agressions ou de violences sexuelles que les hommes politiques, sujets de campagnes calomnieuses. Là aussi, les femmes sont utilisées comme objets passifs dans une « guerre » entre hommes politiques – le terme « hommes politiques » pouvant désigner ici une classe de dirigeants, composée principalement d’hommes mais aussi de quelques femmes, prêtes à endosser le costume viril qui leur est imposé par le jeu politique, dans le but d’asseoir leur légitimité ou d’exprimer une force liée à leur appartenance de classe par exemple (Nksozana Dlamini-Zuma et Hope Ramaphosa en font notamment partie).

Deux semaines plus tôt, Julius Malema, dirigeant de l’Economic Freedom Fighters (EFF) – Combattants pour la liberté économique –, parti d’extrême gauche opposé à l’ANC qui a fait un peu moins de 8% aux élections municipales du 3 août 2016, révélait sur Twitter qu’une campagne visant Ramaphosa était sur le point d’éclater et que le candidat de l’ANC serait accusé d’avoir battu des femmes[74]. Il avait ensuite commenté dans la foulée de l’affaire du Sunday : « Ramaphosa, sa femme et ses partisans devront être extrêmement forts surtout qu’ils se rapprochent de la conférence [de l’ANC], de sales stratagèmes portent sur les stéroïdes »[75]. Il entendait ainsi faire explicitement allusion aux coups bas politiques – y compris ceux venant de son camp – et, en utilisant les termes « fort » puis « stéroïde », il visait surtout le candidat, en tant qu’être masculin muni d’organes génitaux liés à son sexe, avec des fonctions spécifiques, ayant beaucoup à craindre pour leur intégrité, et devant en conséquence affirmer une force masculine adaptée.

Des rhétoriques sexualisées et sexistes

Ces rhétoriques sont ouvertement sexualisées, masculines, genrées au sens où elles placent d’une part les hommes noirs dans leurs rôles « traditionnels » d’individus de sexe masculin devant justifier une sexualité hétérosexuelle, forte et virile et d’autre part les femmes noires dans ceux d’objets sexuels passifs. Ces rhétoriques sont, en particulier pour le cas de Zuma et de ses alliés, sexistes, implicitement antiféministes, c’est-à-dire explicitement dirigées contre l’égalité hommes/femmes et les revendications féministes et ouvertement favorables à « la femme », perçue comme mère, reproductrice d’enfants, qui « conforte une identité féminine de renoncement et de silence »[76]. Elles entendent fédérer ceux que le président avait qualifié du temps de sa popularité comme devant « lutter pour s’adapter – tous ceux pour qui la modernité, façon Afrique du Sud, n’a pas lieu »[77], sous-entendu les hommes les plus pauvres et non les femmes, dans le but de renforcer un organe politique, l’ANC, en perte de légitimité. Les opposants actuels de Zuma adoptent des arguments analogues, alors que leur stratégie consiste pour les uns à renverser l’homme qui stigmatise tous les ingrédients de la crise ou, pour les autres, à se débarrasser de l’ANC dans son ensemble. Ces rhétoriques sont ouvertement populistes.

La campagne de Jacob Zuma pour les élections de 2009 avait illustré cette tendance globale et en avait donné un tournant spécifique. Les partis politiques avaient alors courtisé leur électorat en employant de nouvelles stratégies de campagne. Celle menée par Jacob Zuma, candidat de l’ANC, avait placé les questions de genre et de sexualité au centre du discours ; elle les avait, en quelque sorte, détournées en le mettant personnellement en position de victime d’un système législatif oppressif (en référence à toutes les poursuites dont il avait fait l’objet notamment son procès pour viol[78]). La manœuvre politique visait l’auto-identification de l’homme sud-africain de base, pauvre, noir, des townships, malmené par la vague féministe, dans l’expression « normale » de sa sexualité[79]. L’homme politique avait notamment lancé la campagne 100 % Zulu Boy où il avait ouvertement manifesté son engagement pour un retour à des valeurs traditionnelles africaines, sous-entendu favorables à la manifestation du pouvoir de « l’homme » sur « la femme ». Il avait par exemple déclaré être un « vrai homme » persécuté, « 100% Zulu Boy », c’est-à-dire défendant son « droit » à remplir ses devoirs sexuels comme sa « tradition culturelle » l’exige. En outre, il avait assimilé les organes génitaux de sa victime présumée (de viol) au « kraal de son père »[80]. Cette comparaison renvoyait à une représentation militarisée de la masculinité et des hommes, propriétaires du sexe des femmes, tout comme la chanson-titre de l’homme politique, “Awuleth Umshini Wami” (“Bring my machine gun” en anglais, « Apporte moi ma mitrailleuse » en français[81]).

Lors de cette campagne, le leader de l’ANC et Julius Malema, alors dirigeant de la Ligue de la jeunesse de l’ANC, avaient appelé à l’« exil des jeunes femmes enceintes »[82], en référence à l’hypothétique hypersexualité des adolescentes mise en cause par les avocats de la défense de Zuma lors de son procès pour viol de 2006. Malema avait également fait des déclarations sur la façon dont les victimes de viol devraient se comporter, dans le sens où elles étaient, selon lui, pas des victimes mais des provocatrices[83]. Il avait notamment déclaré que l’accusatrice du Président Zuma avait « pris du bon temps »[84], quand Tokyo Sexwale, membre exécutif de l’ANC, avait désigné les femmes âgées qui soutenaient le Cope (parti dissident de l’ANC) comme utilisant la « sorcellerie »[85], propos pour le moins sexiste, commenté comme tel, et renvoyant les femmes supposément « privées » de relations sexuelles parce qu’en ayant dépassé l’âge à des individus pervers ou fous, ou sinon à la marge.

Plus récemment, en novembre 2014, lors d’une échauffourée au siège de l’EFF, Malema a traité la ministre du Développement des petites entreprises, Lindiwe Zulu, une politicienne au franc parler, de « street meid », un argot qui signifie femme de la rue, prostituée, fruste et sauvage. Plus tôt, il ne s’était pas abstenu de lui demander haut et fort et en public de se taire[86]. Pourtant, en novembre 2013, pendant la semaine contre les violences faites aux femmes et devant un public en extase, il avait souhaité infléchir son discours et avait clamé : « Toutes les femmes doivent être protégées et aimées. Vous [en tant qu’homme] êtes le fournisseur, vous êtes le protecteur, c’est ainsi que votre femme et vos enfants doivent vous voir. Ils doivent se sentir en sécurité avec vous »[87]. Malema a donc fait évoluer son discours mais les femmes, à défaut d’être des « provocatrices », sont devenues des êtres à aider, à soutenir, en incapacité d’agir et de penser par elles-mêmes, des mineures civiques comme leurs enfants. Selon le dirigeant politique, les hommes restent des êtres humains dont il faut absolument revaloriser le rôle, affaibli qu’il a été par le colonialisme et l’apartheid. En cela, il ne se démarque pas de son ancien mentor, devenu adversaire, ledit Zuma : Malema ne revendique pas explicitement l’égalité femmes-hommes et ne souscrit pas aux thèses féministes, pourtant très présentes dans son pays[88].

Un autre exemple mérite qu’on s’y attarde car il caractérise une évolution des discours relatifs aux violences de genre sans que les lignes politiques, très empreintes de masculinisme, ne changent. Mbuyiseni Ndlozi, 32 ans, porte-parole de l’EFF a toujours souhaité se différencier de ses ennemis : l’ANC et ses représentants, Thabo Mbeki, et surtout, Jacob Zuma, le « violeur et corrompu ». Le jeune homme aime être surnommé le People’s Bae, notamment par les médias, le terme « Bae » servant d’acronyme pour « before anyone else », ou de diminutif de « babe, baby ». Il assume être le « chouchou du peuple », le « chéri des Sud-Africaines », celui qui a « conquis le cœur des femmes à travers tout le pays », « complètement adorable et complètement macho à la fois »[89]. Il ne rechigne pas à se montrer en public avec sa « fiancée », une actrice en vogue. Mélomane et crooner, il est reconnu pour son érudition – il est docteur en philosophie politique. Il se distingue par son élégance : il ne porte pas l’uniforme rouge de son parti, mais de beaux costumes. Au niveau politique, il se présente comme défenseur des droits des démunis, des laissés pour compte, et en particulier des femmes noires, sujettes à violence et à discriminations. Jeune, noir, l’homme politique aborde avec charme les mêmes mots d’ordre que son camarade, Julius Malema, un peu plus brutal, viscéral, plus ostensiblement viril. Lui se montre séduisant, à l’écoute, ouvert.

Néanmoins, ancien militant des organisations de jeunesse South African Students Congress (SASCO), de l’ANC Youth League (ANCYL) et de la Young Communist League (YCL) comme Malema, Ndlozi est l’héritier, malgré ce qu’il donne à voir et ce qu’il en dit, d’un sexisme structurel, ajouté d’un fort attachement à la hiérarchie des dominations : les questions de race passent largement en tête de celles de classe et de genre. Globalement, dans ses discours pendant la campagne des élections municipales de 2016, les références à l’appartenance à une communauté raciale, ont été banalisées et réitérées. Les dérapages du jeune député sont, à ces deux égards – sexiste et communautariste – et depuis le début de son mandat, nombreux. En novembre 2015, à l’Assemblée nationale, lors d’un vote du budget, le parlementaire s’est levé et en pointant du doigt Dean Macpherson, député de l’Alliance démocratique (DA), parti libéral de centre droit, aujourd’hui principal rival de l’ANC, a déclaré : « je ne serai pas surveillé par un garçon blanc »[90]. La mise en exergue de l’appartenance raciale de son opposant politique va à l’encontre de la nation arc-en-ciel souhaitée par Mandela. Elle a d’ailleurs choqué. Elle s’inscrit en droite ligne de ce qui en son temps avait lié Malema et Zuma lors de la campagne 100% Zulu Boy lors de laquelle le caractère masculin, jeune, zoulou, en opposition aux autres ethnies, aux femmes, aux personnes âgées, avait été mis en avant pour incarner la puissance du candidat Zuma, seul légitime à représenter le peuple.

Plus tôt, en janvier 2015, les médias locaux[91] avaient soupçonné Ndlozi d’avoir violé et tué une femme durant la première conférence élective de son parti. Ce dernier lui avait aussitôt produit un alibi afin de le disculper mais l’affaire était ressortie sur Twitter peu avant ces élections de 2016 et aucune suite n’avait été donnée, hors mis la dénonciation par les membres de l’EFF des allégations mensongères de la part de l’ANC à l’encontre du jeune révolutionnaire.

En août 2015, encore au Parlement, lors d’une altercation avec une ministre ANC du développement des PME, Ndlozi a traité sa collègue de « maîtresse » (“mistress”)[92]. Ce terme peut paraître banal, voire sympathique ou respectueux, mais replacé dans son contexte sud-africain, il prend tout son sens sexiste. Ce mot évoque une période – l’apartheid – pendant laquelle il était courant que les enseignants noirs employés par le gouvernement ne soient pas payés à temps et où l’écart de rémunération entre femmes et hommes était énorme. Ensuite, enseigner et se marier, en tant que Noire, était incompatible[93]. Par exemple, Ruth Mompati[94], une des femmes-clés de la lutte contre l’apartheid, s’est mariée en 1952 et en conséquence a perdu son travail. Les lois de l’apartheid établissaient en effet que les « maîtresses », c’est-à-dire les enseignants noirs féminins, ne devaient pas se marier[95]. Elle a dû renoncer à l’enseignement, étudier la sténographie et la dactylographie avant d’accepter un emploi de secrétaire. Beaucoup d’enseignantes noires se sont ainsi retrouvées sans aucunes autres alternatives professionnelles. A contrario les enseignants noirs de sexe masculin connaissaient une augmentation de salaire lorsqu’ils se mariaient, dans le but d’entretenir leur famille. Plus tard lorsque les lois ont été assouplies, les enseignantes mariées enceintes ont eu accès à un congé maternité, mais sans solde, alors que les femmes non mariées qui tombaient enceintes étaient sommairement licenciées. On pourrait considérer que, sous l’apartheid, les « maîtresses » n’avaient aucune valeur, étaient vues comme des sous-humains et traitées comme des esclaves. Y faire référence, c’est a minima exprimer du mépris envers son interlocuteur féminin, affirmer son antiféminisme et réitérer le paternalisme colonial[96].

Plus généralement, et depuis la création de l’EFF en 2012, Ndlozi ne se démarque pas de l’opinion majoritaire véhiculée par son parti à propos des « femmes »[97] : elles sont considérées comme des êtres asexués au sens où elles peuvent symboliser des héroïnes qui inspirent, mais n’incarnent pas la lutte (en tant que membres de sexe féminin) ; elles sont vues comme des victimes, représentent des parents innocents, toujours en soutien ou à soutenir. Elles sont le plus souvent rendues invisibles, sans autonomie, n’ayant pas d’intérêt politique différent ou divergent des hommes et pas de lutte propre à mener. Leurs points de vue sont majoritairement exprimés ou interprétés par des hommes. Ces derniers demeurent des victimes noires du colonialisme et du néolibéralisme qui doivent au moins faire entendre leurs voix sinon s’armer pour reprendre la place qui leur est due. En adhérant à cette représentation de la division sexuelle des relations sociales, tout en adoptant une rhétorique glamour, Mbuyiseni Ndlozi personnifie un masculinisme politique réformé.

Des stratégies politiques structurées par des rôles de genre figés

Les discours ouvertement misogynes, antiféministes ou sexistes de Zuma et ceux tout autant sexistes ou paternalistes des dirigeants de l’EFF ou aujourd’hui de l’ANC[98], nourrissent à dessein le sentiment de ce que les partisans de Zuma avaient qualifié plus tôt d’« émasculation »[99] de certains Sud-Africains. Ce sentiment est au quotidien renforcé par celui de l’incapacité à remplir le rôle socialement alloué à l’« homme » de pourvoyeur de la famille puisque dans ce pays le taux de chômage masculin noir est très élevé.

Selon la Banque mondiale, en 2016, le taux de chômage moyen était de 6,2 %. Avec 25,9% en 2016 et 27,7% en 2017, le taux de l’Afrique du Sud représente cinq fois le taux mondial[100]. Il est plus élevé que celui des autres pays africains également classés par la banque en tant que pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, ce qui comprend le Botswana, 18,4%, le Gabon, 18,5% et la Namibie, 25,5%[101].

En 2005, désagrégé par sexe, on comptait 46,6 % de femmes contre 31,4 % d’hommes toutes races confondues, et désagrégés par race, ces chiffres du chômage atteignaient 53% pour les Noires contre 36,7% pour les Noirs[102]. En 2011, ces chiffres ont respectivement été ramenés à 32,5 % et 25,9 %[103]. L’étude nationale de 2017 intitulée Quarterly Labour Force Survey[104] fournit des chiffres non désagrégés par sexe et par race, ce qui ne permet pas de les comparer aux années précédentes, mais apporte de nouveaux éclairages sur chacune des catégories (sexe, race, âge). Au deuxième trimestre de l’année 2017, le taux de chômage est estimé à 31,3 % pour les Noirs, contre 23,6 % pour les Métis, et seulement 5,7 % pour les Blancs. Les femmes noires restent les plus touchées. Au troisième trimestre 2016, 29,3 % des femmes âgées de 15 à 64 ans étaient sans emploi, contre 25,2% des hommes[105]. Les jeunes âgés de 15 à 24 ans sont également très touchés, atteignant 55,9 % d’entre eux. Plus généralement, 32,2 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans sont sans emploi, éducation ou formation (indice NEET). Cet indice NEET a augmenté pour toutes des catégories de population à l’exception des Blancs, dont le taux a baissé de 1,1 % en un an.

Rappelons que ces 55,9 % de jeunes Noirs sans emploi, soit plus d’un sur deux – on ne connaît pas la part de femmes et d’hommes –, n’ont pas connu l’apartheid, et peu la période de transition post-apartheid. Le sentiment inégalitaire et d’impuissance, notamment renforcé par l’émergence d’une classe moyenne noire et par l’obscénité de la corruption, n’en est que plus important, voire exacerbé. Parmi ces jeunes chômeurs, les hommes sont particulièrement visés par les stratégies électorales. Ainsi, différentes initiatives publiques voient le jour. Par exemple, en mai 2017 à Pretoria, une manifestation a réuni de nombreux hommes noirs sous le slogan « Not in my name »[106]. Ses participants entendaient proclamer qu’ils sont de « vrais hommes » parce qu’ils ne violent pas de femmes. Ils ont ainsi choisi d’apparaître du côté des opposants aux violences de genre, « aux côtés des femmes ». Un des organisateurs a d’ailleurs déclaré que l’accent devait être mis sur l’agresseur et non sur la victime : « Lorsque nous arrêtons l’auteur du crime, nous arrêtons le crime ». Et d’insister: « Nous ne pouvons construire de hauts murs quand les voleurs construisent de plus grandes échelles »[107], signifiant ainsi sa compréhension de l’ampleur des violences et de son aggravation. Pourtant, leurs slogans se sont avérés plus paternalistes – on a pu entendre « Pensez au fait que les victimes pourraient être nos mères, nos épouses, nos sœurs et nos filles »[108], ce qui sous-entend que les marcheurs entendaient défendre les femmes en tant que potentielles mères, épouses sœurs et filles – que antisexistes (et encore moins féministes) et surtout davantage orientés vers plus de justice raciale que vers l’égalité femmes-hommes, notamment en matière d’accès au travail, aux ressources… Ces « patriarches progressistes », comme les nomment leurs détractrices, considèrent en effet que « les droits des Noirs qui ne sont pas des hommes sont protégés par la Constitution »[109] et que la législation suffit.

Leur priorisation de la lutte contre les inégalités de race, mêlée à leur inexistence économique et à l’injonction rhétorique virile dont ils sont la cible posent alors les bases d’une équation qui n’est pas nouvelle. « L’homme » sud-africain noir se doit de montrer, quels que soient les moyens, qu’il est un « vrai » homme car il ne l’est plus. Ce discours prévalait déjà à l’époque coloniale, où l’homme noir était culturellement considéré par les colons européens en Afrique comme le seul soutien de famille alors que la réalité était tout autre, les femmes noires ayant toujours occupé une place importante dans le secteur rémunéré du commerce par exemple[110]. Ce discours n’est donc pas neuf et est réutilisé par les hommes noirs en position de décision politique afin de justifier ou de constater un arsenal de violences dont celles à l’égard des femmes. Il entretient une vision de la subordination des femmes, implicitement au service d’hommes entendus comme seuls capables d’autonomie. Il perpétue ce qu’on peut qualifier de masculinisme colonial, et ce, en particulier, au plus haut niveau de l’exercice du pouvoir.

L’Afrique du Sud se caractérise ainsi par l’expression politique explicite de la domination du masculin et de son expression la plus simple, la sexualité (identité de sexe, normes sexuelles, représentation hiérarchisée des pratiques), en tant que repère social d’une société en difficulté, héritière d’un passé colonial. La notion d’héritage d’un passé colonial est ici essentielle. Nous allons voir plus loin en quoi la satisfaction du plaisir masculin, tant mis en exergue par Zuma, fait forclusion, au sens où elle occulte l’objet de son existence, à savoir la domination et ses différentes composantes : les divisions de genre, de classe, de race. Elle est marqueur d’impuissance aux niveaux local et global.

Une dialectique coloniale

Angela Davis évoque l’incapacité pour l’État d’intervenir en matière de violences contre les femmes parce qu’il répète constamment sa propre histoire de colonialisme, de racisme et de guerre[111]. L’Afrique du Sud illustre parfaitement ces thèses par son héritage colonial, notamment par la radicalité du discours de ses dirigeants. Le pouvoir politique sud-africain perpétue une domination masculine, acquise pendant la période coloniale et qu’il reproduit à l’envi. Cette domination et les relations sociales qu’elle engendre, imprégnées de violences de genre dont les viols et les féminicides représentent l’expression la plus explicite, sont aujourd’hui ponctuées d’un rapport de force constant entre pouvoir masculin et population. Cette domination est sexuée, au sens où elle reste masculine, identifiée et revendiquée comme telle, et est le résultat d’une dialectique de plus en plus publique. Elle est aussi racisée, au sens où elle est non seulement différenciée selon les sexes mais aussi selon les races, comme un direct héritage de la colonisation.

Elle se traduit précisément par l’appropriation du corps des femmes noires par le pouvoir masculin, et plus globalement par les hommes noirs. Cette idée n’est pas neuve. Dans les États colonialitaires, le corps représente une cible dans le contrôle social, toutefois difficile à domestiquer[112]. À propos de la sexuation de cette appropriation, Amina Mire affirme que « l’épistémologie binaire, les prérogatives masculines blanches, le dénigrement et la déshumanisation du corps des femmes africaines, la féminisation et la colonisation de l’espace africain » fondent le système colonial[113]. Le corps des femmes noires peut être à la fois un lieu d’oppression dans lequel les femmes « internalisent l’exil », et un lieu de résistance[114]. Dans tous les cas, le corps des femmes noires est un lieu/espace dans lequel les enjeux de pouvoir s’élaborent et s’expriment.

De plus, le corps des femmes (en général) est davantage ciblé comme sujet à appropriation que leur esprit par exemple, car la spoliation du premier entraîne automatiquement celle du deuxième. Il représente un enjeu majeur des actions politiques parce que conçu comme matrice (entendu comme organe féminin de reproduction humaine autant que comme structure de reproduction et de construction à tous les niveaux, technologiques, biologiques, cognitifs, sociaux, économiques…) au service de la Nation. En Afrique du Sud en particulier, l’appropriation du corps des femmes peut se mesurer à la volonté politique publique, de fait masculine – au même titre que le pouvoir qu’elle confère – car largement entre les mains d’hommes. Elle est régie selon des modèles de division sexuelle du travail et sert essentiellement à contrôler les fonctions de reproduction du corps des femmes et de ses « produits », les enfants[115].

En parallèle de cette appropriation par le pouvoir politique sud-africain et dans le prolongement de la colonisation du pays, durant laquelle chaque groupe rivalisait pour capter l’attention de l’administration coloniale, les notions de coutume, tradition et religion ont été instrumentalisées par les nouveaux dirigeants des pays colonialitaires et ont servi à façonner un droit coutumier[116]. Ce droit est conçu pour servir le pouvoir masculin. Il a pour conséquence directe de subordonner les droits des femmes au contrôle des familles patriarcales et des élites mâles. Les relations État de droit/société générées dans cette historicité n’ont depuis pas changé de mode d’organisation, voire l’ont perfectionné dans un contexte fragilisant de mondialisation.

Après près de dix ans sous le pouvoir de Thabo Mbeki, l’État a ouvert plus explicitement les portes de ses politiques économiques au libéralisme en collaborant volontiers avec les institutions financières internationales[117]. Ces politiques ont cristallisé le rôle sexué attribué aux femmes dans la société, à savoir celui de remplacer l’État dans le soin aux familles. Cette cristallisation a particulièrement affecté une catégorie de femmes noires pauvres, qui est majoritaire[118].

Rôle sexué des femmes noires et légitimation politique des violences se sont alors mutuellement renforcés. Ils connaissent désormais une tonalité économique. À la fin des années 1990, les agressions sexuelles devinrent potentiellement tellement dangereuses à cause du sida, notamment en raison de la politique de l’ancien président Thabo Mbeki qui a très longtemps refusé la prise en charge de traitements antirétroviraux, niant un lien quelconque entre le VIH et la maladie, que cinq compagnies d’assurance-ont commencé à vendre des « assurances-viol ». Elles créèrent un nouveau marché, répondant à la demande des personnes infectées de ne pas être stigmatisées. Cette initiative a mis de fait en avant la carence des politiques publiques et la pertinence de l’action du secteur privé sans qui « rien ne serait fait pour lutter contre le sida », témoignait un employé de The Treatment Action Campaign[119], une organisation de lutte contre le sida. En effet, ces entreprises s’attachent depuis à maintenir une force de travail vivante. En parallèle, l’État, en privatisant le système de santé, favorise la marchandisation de la maladie et des violences.

Le corps des femmes noires et les produits de ce corps ont ainsi été placés et restent au cœur de multiples enjeux. Les premiers sont économiques : le corps des femmes noires assure la reproduction des forces de travail de la Nation, qui dans le cas de ce pays, connaît une situation de crise importante. Ensuite, les enjeux sont sociaux : les pouvoirs publics sud-africains prennent une assurance sur la paix sociale en confiant sa gestion à titre gratuit aux femmes noires, en ne rémunérant pas le travail de gestion de la survie quotidienne qu’ils leur délèguent au niveau local, gestion aujourd’hui particulièrement étendue, urgente, immédiate et accélérée. On peut également parler d’enjeux politiques : le pouvoir masculin (hiérarchisé femmes/hommes) garde la mainmise sur les questions d’égalité de genre sur lesquelles il légifère mais qu’il néglige au quotidien. Il est question d’enjeux culturels : le pouvoir masculin a recours aux traditions pour justifier la tolérance de cette appropriation politique. Enfin, et surtout, on distingue des enjeux épistémiques : le pouvoir masculin subordonne, voire laisse éliminer, le corps des femmes noires afin de mieux assujettir leurs modes de pensée et leurs savoirs et de mieux asseoir sa légitimité à l’échelle internationale.

Au titre de ces différents enjeux, l’appropriation du corps des femmes noires sert de base de soutènement à la structure de la société sud-africaine colonialitaire mondialisée autant qu’elle en est alimentée. La volonté politique masculine de s’approprier ce corps des femmes peut se résumer à une assertion : les femmes noires ne sont que des corps, conçus comme des outils à usages multiples. Cette volonté est tellement ancrée politiquement qu’en termes rhétoriques, elle s’exprime par l’invisibilisation des femmes noires, par leur négation en tant que sujets. Cela passe par la hiérarchisation des luttes, celle contre le racisme gardant sa place de priorité absolue, y compris chez les opposants des dirigeants au pouvoir.

Aussi, le terrain expansionniste de la colonialité reste le territoire minier ou agricole tout autant que le corps des femmes, et plus précisément des femmes noires, objet de la sexualité et de la sécurité masculine. La violence – comme, pour la justifier, le traditionalisme et le masculinisme – rencontre alors les racines de sa légitimation et de son expression : au-delà de leur rôle social de genre, les hommes sud-africains sont acculés au besoin de reconnaissance de leur force, virile, en tant qu’hommes noirs pauvres africains victimes du colonialisme, de la ségrégation et aujourd’hui du libéralisme, tels que leurs représentants politiques s’évertuent à les stigmatiser. Ils sont en recherche de repères politiques pour asseoir cette force. Les dominés, objets de l’apartheid et de la colonisation, deviennent alors les agents/sujets d’un impérialisme sexuel autodestructeur, qui se manifeste par l’appropriation du corps des femmes. Cette appropriation incarne l’expression d’une force, qui, en tant que telle, est fondatrice d’une identité dominante.

Le choc entre patriarcat et État de droit

La banalisation des violences, et en particulier des violences sexuelles, aujourd’hui contestées mais non identifiées comme structurantes des rapports de domination, révèle également l’impuissance du pouvoir politique. Helen Moffett parle de « choc » du chevauchement entre patriarcat et État de droit, basé sur la Constitution. Ce choc aurait élargi le fossé entre sphères publique et privée, en créant « un marché de dupes où les femmes sont autant considérées comme égales que subordonnées, les violences sexuelles servant de rupture entre l’égalité dans les royaumes publics et soumission dans les espaces domestiques et privés »[120]. La schizophrénie entre État de droit et État tolérant les violences sexuelles caractérise et fragilise ce même État. Elle fait écho aux croyances de certains militants antiracistes locaux qui considèrent que « l’émasculation et la castration des hommes noirs », en tant que résultat des politiques de la « suprématie blanche », ont fait des hommes sud-africains noirs des victimes[121]. Largement réinvesties par la rhétorique du président en exercice Jabob Zuma, ces considérations ont eu pour effet de placer les revendications du retour à certaines traditions et à une représentation forte, au sens de la puissance, des citoyens (mâles), au niveau de la sphère publique. Elles ont justifié et ont banalisé les actes de viol et la polygamie, autant de facteurs qui accroissent aujourd’hui encore le nombre de féminicides.

Ce discours entérine ce que l’écrivaine britannique Crista Baiada qualifie d’« amnésie culturelle », qui constitue une « menace palpable d’autant que les voix et histoires contradictoires sont réconciliées au sein d’une vérité unique »[122]. Replacée dans son contexte de crise aggravée, de paupérisation et des écarts de richesse, d’impunité globale (violences, corruption), de déploiement de la pandémie du sida, cette « vérité » – les hommes sud-africains noirs victimes de la suprématie blanche – crée des repères philosophiques, culturels ou religieux qui tendent à devenir des repères politiques. Cette « vérité » ignore la violence en tant que colonne vertébrale des relations sociales et produit à son tour des rapports de domination. En reproduisant au sein de leur société les rapports d’obéissance et la hiérarchisation entre ethnies, races, classes, genres, les partisans de l’unité nationale ont participé à l’émiettement de leur idéal démocratique[123].

L’élection puis la réélection de Jacob Zuma, sa légitimation et aujourd’hui son rejet, matérialisent, par l’intermédiaire des médias et même de ses opposants politiques, un tournant rétrograde qui mise explicitement sur la dénonciation des inégalités de race, au détriment des inégalités de classe ou de genre. L’heure n’est pas à la paix sociale mais à la réaffirmation d’une Afrique hégémonique[124], masculiniste[125] et élitiste[126].

Comme le souligne Jeremy Seekings, les traditions sont perverties et servent alors de base à un discours politique qui mystifie les violences dont le pays est le théâtre (xénophobes, urbaines, de genre), la corruption et les inégalités économiques et sociales de plus en plus criantes, en contexte de mondialisation[127]. Elles servent également de faire-valoir à ce que Patricia McFadden qualifie d’idéologie au service de la satisfaction unilatérale du plaisir sexuel masculin, qui serait menacée par une dévirilisation des hommes sud-africains, orchestrée par les féministes radicales anticolonialistes locales[128], supposément inspirées par une idéologie occidentale.

Le traditionalisme, tel qu’il est brandi par Zuma et ses alliés, opacifie ainsi les représentations locales de la mondialisation et de l’occidentalisation et procède alors du caractère intrinsèque de la colonialité du pouvoir, telle que la définit Anibal Quijano : « ensemble des relations sociales produites par l’expansion du capitalisme en ses périphéries subalternes »[129]. Plus encore, cette opacification révèle une capture des savoirs locaux et sa mise en exergue renouvelle cette définition de la colonialité qu’on peut désormais qualifier comme incarnant la reproduction patriarcale de la mondialisation, du capitalisme et de l’occidentalisation, et antérieurement du colonialisme. Parce qu’elle emprunte un registre universaliste abstrait[130], y compris démocratique ou humaniste, cette capture va non seulement à l’encontre de la visibilisation de ces savoirs, mais méprise leur historicisation, leur contextualisation, leur genrisation. Elle les ignore, les hiérarchise. On assiste à un déracinement épistémique qui fait violence, au même titre que celle imposée par l’Occident telle que la décrit Gayatri Chakravorty Spivak[131]. Cette violence spécifique, non contestée, réduit au silence une catégorie entière de population, les femmes sud-africaines de la base, noires, et ignore l’identité de classe, de race, de genre des auteurs de ces savoirs, au point de les ignorer eux-mêmes. Cette violence est contreproductive, dans le sens où elle aboutit à la négation de savoirs non occidentaux[132]. Elle est solide au point que l’après-Zuma ne devrait pas impacter cette captation outre mesure.

Pour finir, l’Afrique du Sud rend exemplaire une situation de puissance/impuissance sociale, un paradoxe permanent, où les relations sociales sont requalifiées au quotidien et dans l’immédiateté selon un processus hiérarchisé. Ce paradoxe, alimenté par un masculinisme politique, s’inscrit dans l’héritage colonial du pays et démontre une impasse politique et épistémique majeure.

Joelle Palmieri
5 février 2018

Références

Abrahams Naeemah, Mathews Shanaaz, Martin Lorna J., Lombard Carl, Jewkes Rachel, « Intimate Partner Femicide in South Africa in 1999 and 2009 », PLoS Med 10 (4), 2013.

Baiada Christa, « On Women, Bodies, and Nation: Feminist Critique and Revision in Zoë Wicomb’s “David’s story” », African studies, n° 67, 2008/1, pp. 33-47.

Bard Christine (dir.), Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999.

Bhorat Harron, Van Der Westhuizen Carlene et Jacobs Toughedah, « Income and Non-Income Inequality in Post-Apartheid South Africa: What are the Drivers and Possible Policy Interventions? », document de travail pour la Development Policy Research Unit (DPRU), 09/138 août 2009, DPRU.

Bond Patrick, Elite Transition, Londres, Pluto Press, 2000.

Brogden Mike, « La Criminalité en Afrique du Sud, au risque des espaces publics », Paris, Annales de la recherche urbaine, n° 83/84, 1999.

Buhlungu Sakhela et alii (dir.), The State of the Nation: South Africa 2005-2006, Human Sciences Research Council’s (HSRC), 2005.

D’Eaubonne Françoise, Le Sexocide des sorcières, Paris, Esprit frappeur, 1999.

Daniel John, Habit Adam et Southall Roger, State of the Nation: South Africa, 2003-2004, Human Sciences Research Council, Democracy and Governance Research Programme, Le Cap, HSRC Press, 2003.

Davis Angela, Femmes, race et classe, Paris, Des Femmes, 1983.

De Coster Michel, Bawin-Legros Bernadette et Poncelet Marc, Introduction à la sociologie, Broché, Paris, De Boeck, 2005. [6e édition]

Decoteau Claire, « The Crisis of Liberation: Masculinity, Neo-Liberalism and HIV/AIDS in Post-Apartheid South Africa », contribution présentée lors de la rencontre annuelle de l’American Sociological Association, Boston, MA, 2008.

Degni-Segui René, Rapporteur spécial de la Commission des droits humains des Nations Unies 1996, Report on the Situation of Human Rights in Rwanda (Rapport de l’ONU de 1996), paragraphe 20 de la résolution S-3/1 du 25 mai 1994, E/CN.4/1996/68, 29 janvier 1996.

Delphy Christine, « Théories du patriarcat », in Hirata Helena & alii (dir.), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000, (2e édition augmentée 2004), 315 p., pp. 141-146.

De Waal Mandy, « Jacob Zuma – from Polokwane to Mangaung », Daily Maverick, décembre 2012, <https://www.dailymaverick.co.za/article/2012-12-18-jacob-zuma-from-polokwane-to-mangaung/#.WddK–mM0_U&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

Duerst-Lahti Georgia et Mae Kelly Rita, Gender Power, Leadership, and Governance, University of Michigan Press, 1996.

Dupuis-Déri Francis, « Le « masculinisme » : une histoire politique du mot (en anglais et en français) », La polyparentalité : un genre nouveau? Volume 22, numéro 2, 2009.

Habib Adam, « South Africa’s Foreign Policy: Hegemonic Aspirations, Neoliberal Orientations and Global Transformation », contribution lue lors de la première conférence du Regional Powers Network (RPN) à l’Institut allemand des Études mondiales et territoriales (GIGA) à Hambourg, Allemagne, 15-16 septembre 2008.

Hebert Laura, « Women’s Social Movements, Territorialism and Gender Transformation: A Case Study of South Africa », contribution présentée lors de la rencontre annuelle de l’Association américaine de Sciences politiques, Washington, 1er septembre 2005.

Heise Lori et Garcia-Moreno Claudia, « Violence by intimate partners », in Krug Etienne, Dahlberg Linda, Mercy James, Zwi Anthony et Lozano Rafael (dir.), World Report on Violence and Health, Genève, World Health Organization, 2002, pp. 87-122.

Ho Ufrieda, « Data distortion: Rape is not a numbers game », Health-E News, 31 juillet 2017.

Jewkes Rachel et alii, « Rape of Girls in South Africa », The Lancet, N°359, 2002/9303, pp. 319-320.

Jewkes Rachel et alii, Understanding Men’s Health and Use of Violence: Interface of Rape and HIV in South Africa, Gender & Health Research Unit, Medical Research Council, 2009.

Katrak Ketu, The Politics of the Female Body: Postcolonial Women Writers of the Third World, New Jersey, Rutgers University Press, 2006.

Kilani Mondher, « Ethnocentrisme », in Mesure Sylvie & Savidan Patrick (dir.) Dictionnaire des sciences humaines, Paris, PUF, 2006, pp. 414-415.

Kynoch Gary, « Urban Violence in Colonial Africa: A Case for South African Exceptionalism », Journal of Southern African Studies, XXXIV (3), Londres, Routledge, 2008.

Lawuyi Olatunde B., « Acts of Persecution in the Name of Tradition in Contemporary South Africa », Dialectical Anthropology, n° 23, 1998/1, pp. 83-95.

Le Doeuff Michèle, L’étude et le rouet, Paris : Le Seuil, 2008.

Lindsay Lisa A., « Working with Gender: The Emergence of the “Male Breadwinner” in Colonial Southwestern Nigeria », in Cole Catherine, Manuh Takyiwaa et Miescher Stephan F. (dir.), Africa After Gender?, Indiana University Press, 2007, pp. 241-252.

Mahlase Shirley Motleke, The careers of women teachers under apartheid, Harare, SAPES Books, 1997, 207 p.

Mathews Shanaaz et alii, « Intimate Femicide–Suicide in South Africa: a Cross-Sectional Study », Bulletin de l’OMS, n° 86, 2008/7, pp. 552-558.

Mathews Shanaaz et alii, Every six hours a woman is killed by her intimate partner – A National Study of Female Homicide in South Africa, Medical Research Council, 2004.

Mathieu Nicole-Claude, L’arraisonnement des femmes. Essais en anthropologie des sexes, Paris, Éd. de l’EHESS « Cahiers de l’Homme », 1985.

Mbembe Achille, Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, 2013.

McFadden Patricia, African Feminism at the Intersection with Globalization: Critiquing the Past, Crafting the Future, contribution donnée à l’Université d’Oslo en Norvège en juin 2005.

Médecins Sans Frontières, The Crushing Burden of Rape – Sexual Violence in Darfur, Amsterdam, 8 mars 2005, <http://www.doctorswithoutborders.org/sites/usa/files/sudan03.pdf&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

Meunier Marianne, « Campagne contre le viol », Jeune Afrique, mars 2008.

Michel Andrée, Que sais-je. Le Féminisme, Paris, PUF, 1980, 2e édition mise à jour : 4e trimestre 1980, 128 p.

Mire Amina, « In/Through The Bodies Of Women: Rethinking Gender In African Politics », Ontario Institute for Studies in Education of the University of Toronto, Polis VIII, numéro spécial 2001.

Moffett Helen, « The Political Economy of Sexual Violence in Post-Apartheid South Africa », contribution présentée au colloque du 10e anniversaire du Harold Wolpe Memorial Trust, “Engaging silences and unresolved issues in the political economy of South Africa”, 21-23 septembre 2006, Le Cap, Afrique du Sud.

Moreau de Bellaing Louis, « Paternalisme et contestation », Communications, XII, 1968, pp. 66-83.

Mukhopadhyay Maitrayee et Meer Shamin, Creating Voice and Carving Space: Redefining Governance from a Gender Perspective, Amsterdam, KIT Publishers, 2004.

Murray Nancy, « Somewhere over the rainbow. A journey to the new South Africa », Race and Class, XXXVIII (3), 1997, p. 1-24.

Norman Rosana, Matzopoulos Richard, Groenewald Pam et Bradshaw Debbie, « The High Burden of Injuries in South Africa », Bull World Health Organ, n° 86, 2007/9, pp. 695-702.

Ouzgane Lahoucine et Morrell Robert (dir.), African Masculinities: Men in Africa from the Late 19th Century to the Present, New York, Palgrave Macmillan, 2005.

Palma Hélène, « La percée de la mouvance masculiniste en Occident », contribution présentée en octobre 2007 à l’Espace Femmes International de Genève (EFIGE).

Palmieri Joelle, TIC, colonialité, patriarcat: Société mondialisée, occidentalisée, excessive, accélérée… quels impacts sur la pensée féministe? Pistes africaines, Yaoundé, Langaa, 2016, 296 p.

Palmieri Joëlle, « Les femmes non connectées, une identité et des savoirs invisibles », Recherches Féministes, vol. 25, n° 2, 2012, pp. 182-186.

Patel Nigel T., « Beware of the progressive patriarch », Mail and Guardian, juin 2017.

Pino Angelica, Equality Court Agrees, Speech Can Be Deadly Weapon, SANGONeT, 2010.

Plasse Stéphanie, « Afrique du Sud : Jacob Zuma sur les traces de Thabo Mbeki ? », Afrik.com, 19 décembre 2007, <http://www.afrik.com/article13205.html&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

Quijano Anibal, « Colonialité du pouvoir et démocratie en Amérique latine », Multitudes, juin 1994.

Renegade Gus T, The C.O.W.S. w/CREE, Emasculation & Castration of Black Males, émission de radio, 18 janvier 2010.

Robins Steven, « Sexual Politics and the Zuma Rape Trial », Journal of Southern African Studies, n° 34, 2008/2, pp. 411-427.

Seedat Mohamed, Van Niekerk Ashley, Jewkes Rachel, Suffla Shahnaaz, et Ratele Kopano, « Violence and Injuries in South Africa: Prioritising an Agenda for Prevention », The Lancet, n° 374, 2009, pp. 1011-1022.

Seekings Jeremy, « The Continuing Salience of Race: Discrimination and Diversity in South Africa », Journal of Contemporary African Studies, n° 26, 2008/1, pp. 1-25.

Silber Gavin et Geffen Nathan, Race, class and violent crime in South Africa: Dispelling the ‘Huntley thesis, Le Cap, Institute for Security Studies, décembre 2009.

Spivak Gayatri Chakravorty, En d’autres mondes, en d’autres mots. Essais de politique culturelle, Paris, Payot, 2009.

Tabet Paola, La Grande Arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, 2004.

Van Der Westhuizen Christi, “100% Zulu Boy”: Jacob Zuma And The Use Of Gender In The Run-up To South Africa’s 2009 Election, Women’s Net, 2009.

Westhuizen Carlene, Goga Sumayya & Oosthuizen Morné, Women in the South African Labour Market 1995-­2005, document de travail pour la DPRU, 07/118, 2007, 53 p.

Wieviorka Michel et Brodeur Jean-Paul, L’Empire américain ?, Paris, Jacob Duvernet, 2004.

Wilkinson Kate, « GUIDE: Rape statistics in South Africa », Africa Check, 20 octobre 2017.

 

[1] Dans cet article, le choix est explicitement fait de faire référence aux études postcoloniales et subalternes. Nous nous concentrons en particulier sur le concept qui nous est apparu parfaitement adapté au contexte à analyser : la colonialité du pouvoir.

[2] Les gouvernements qui se sont succédé depuis la fin de l’apartheid en Afrique du Sud ont choisi de mettre en place des politiques néolibérales basées sur une économie et une idéologie qui valorisent les libertés économiques (libre-échange, liberté d’entreprendre, libre choix de consommation, de travail, etc.), la libre concurrence entre les entreprises privées au détriment de l’intervention de l’État et la globalisation des échanges de services, de biens et des facteurs de production correspondants (capital, travail, connaissance…) formant des marchés mondiaux.

[3] John Daniel, Adam Habit et Roger Southall, State of the Nation: South Africa, 2003-2004, Human Sciences Research Council. Democracy and Governance Research Programme, Le Cap, HSRC Press, 2003 ; Sakhela Buhlungu et alii (dir.), The State of the Nation: South Africa 2005-2006, Human Sciences Research Council’s (HSRC), 2005 ; Harron Bhorat, Carlene Van Der Westhuizen et Toughedah Jacobs, Income and Non-Income Inequality in Post-Apartheid South Africa: What are the Drivers and Possible Policy Interventions?, document de travail pour la Development Policy Research Unit (DPRU), 09/138 août 2009, DPRU, p. 8 ; OECD Economic Surveys South Africa – July 2017 – OVERVIEW, <http:www.oecd.org/eco/surveys/economic-survey-south- africa.htm>, consulté le 30 octobre 2017.

[4] À plusieurs reprises dans le texte, le terme « base » est emprunté au vocabulaire de personnes interrogées sur le terrain sud-africain afin de définir les personnes, hommes ou femmes, pauvres, en milieu rural ou urbain.

[5] Olatunde Lawuyi B., « Acts of persecution in the name of tradition in contemporary South Africa », Dialectical Anthropology, n° 23, 1998/1, pp. 83-95 ; Claire Decoteau, « The Crisis of Liberation: Masculinity, Neo-Liberalism and HIV/AIDS in Post-Apartheid South Africa », contribution présentée lors de la rencontre annuelle de l’American Sociological Association, Boston, MA, 2008.

[6] Francis Dupuis-Déri, « Le « masculinisme » : une histoire politique du mot (en anglais et en français) », La polyparentalité : un genre nouveau? Volume 22, numéro 2, 2009.

[7] Georgia Duerst-Lahti et Rita Mae Kelly, Gender Power, Leadership, and Governance, University of Michigan Press, 1996, p. 5.

[8] Michèle Le Doeuff, L’étude et le rouet, Paris : Le Seuil, 2008.

[9] Hélène Palma, « La percée de la mouvance masculiniste en Occident », contribution présentée en octobre 2007 à l’Espace Femmes International de Genève (EFIGE).

[10] L’adjectif « colonialitaire » utilisé ici est relatif au substantif « colonialité », afin de ne pas induire de confusion avec la situation « coloniale » relative à la colonisation et au colonialisme (une situation de colonialité n’est pas identique à la simple poursuite de la colonisation).

[11] Joelle Palmieri, TIC, colonialité, patriarcat : Société mondialisée, occidentalisée, excessive, accélérée… quels impacts sur la pensée féministe? Pistes africaines, Yaoundé, Langaa, 2016, 296 p.

[12] Ibid.

[13] En date du 1er septembre 2017, l’Afrique du Sud occupe la neuvième place mondiale avec 42 % de femmes députées derrière le Rwanda qui se place au premier rang en termes de représentation politique des femmes avec 61,3 %. Source : Inter-Parliamentary Union, <http://archive.ipu.org/wmn-e/classif.htm#1&gt;, consulté le 17 octobre 2017.

[14] Bien que les chiffres transmis concernant le viol soient nombreux, nous verrons dans cet article que les statistiques produites en Afrique du Sud sont controversées et notoirement mal documentées depuis de nombreuses années. Cette situation est due au faible taux de témoignages et à la faiblesse des bilan, suivi et communication des statistiques nationales en la matière. Par ailleurs, le viol est défini par l’amendement du code pénal de 2007 – Criminal Law (Sexual Offences and Related Matters) Amendment Act 32 of 2007 – qui a étendu la définition précédemment utilisée. Si bien que les statistiques sur le viol datant d’avant 2008-09 ne peuvent pas vraiment être comparées à celles produites par la suite. Une des dernières études faisant référence est celle du Medical Research Council de 2009. Rachel Jewkes et alii, Understanding Men’s Health and Use of Violence: Interface of Rape and HIV in South Africa, Gender & Health Research Unit, Medical Research Council, 2009.

[15] Mike Brogden, « La Criminalité en Afrique du Sud, au risque des espaces publics », Paris, Annales de la recherche urbaine, n° 83/84, 1999, p. 239.

[16] Gary Kynoch, « Urban Violence in Colonial Africa: A Case for South African Exceptionalism », contribution présentée au Wits Institute for Social and Economic Research, le 15 mai 2006, publiée dans Journal of Southern African Studies, XXXIV (3), septembre 2008, Londres, Routledge.

[17] Michel De Coster, Bernadette Bawin-Legros et Marc Poncelet, Introduction à la sociologie, Broché, Paris, De Boeck, Collection Ouvertures Sociologiques, 2005, p. 119. [6e édition]

[18] Gary Kynoch, “Urban Violence in Colonial Africa…”, op. cit.

[19] Par exemple : Centre for the Study of Violence and Reconciliation (CSVR), Human Rights Watch Report, People Opposing Women Abuse, Sexual Violence Research Initiative, UNICEF.

[20] Mohamed Seedat, Ashley Van Niekerk, Rachel Jewkes, Shahnaaz Suffla, et Kopano Ratele, « Violence and Injuries in South Africa: prioritising an agenda for prevention », The Lancet, n° 374, 2009.

[21] International Homicides per 100,000 people, The World Bank: Data – UN Office on Drugs and Crime’s International Homicide Statistics database, 2017, <https://data.worldbank.org/indicator/VC.IHR.PSRC.P5&gt;, consulté le 7 octobre 2017.

[22] Victims of Crime Survey 2015/1016, Statistics South Africa, Pretoria, 2017, <http://www.statssa.gov.za/publications/P0341/P03412015.pdf&gt;, consulté le 19 octobre 2017.

[23] The State of Urban Safety in South Africa Report, 2017, <http://www.sacities.net/wp-content/uploads/2017/08/The-State_of_Urban_Safety_in_SA_Cities_2017_Report_WEB.pdf&gt;, consulté le 27 octobre 2017.

[24] Op. cit., p. 2.

[25] Ibid.

[26] Ibid.

[27] Rosana Norman, Richard Matzopoulos, Pam Groenewald et Debbie Bradshaw, « The High Burden of Injuries in South Africa », Bull World Health Organization, n° 86, 2007/9, pp. 695-702.

[28] Crime Situation In RSA, Nine months of 2016/2017: 1 April 2016 – 31 December 2016, <https://www.saps.gov.za/services/mono_9_months_crime_situation_march_2017.pdf&gt;, consulté le 27 octobre 2017.

[29] South Africa Demographic and Health Survey 2016 – Key Indicators Report, National Department of Health Pretoria, South Africa, South African Medical Research Council Cape Town, South Africa, The DHS Program ICF, Rockville, Maryland, USA, May 2017, <http://www.statssa.gov.za/publications/Report%2003-00-09/Report%2003-00-092016.pdf&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

[30] Ibid., p. 9.

[31] Ibid., p. 10.

[32] Ibid., p. 54.

[33] Ibid.

[34] U.S. Centers for Disease Control and Prevention 2002, Rape of Girls in South Africa, The Body, <http://www.thebody.com/content/whatis/art21405.html&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

[35] Rachel Jewkes et alii, Understanding Men’s Health…, op. cit.

[36] CIET Africa 2004, Sexual violence & HIV/AIDS: Executive report on the 2002 nationwide youth Survey, Johannesbourg, CIET, p. 4.

[37] Gavin Silber et Nathan Geffen, Race, class and violent crime in South Africa: Dispelling the ‘Huntley thesis, Le Cap, Institute for Security Studies, décembre 2009, p. 36.

[38] Crime Situation In RSA, Nine months of 2016/2017: 1 April 2016 – 31 December 2016, op. cit.

[39] Le taux de viol fait référence au nombre de viols commis et rapportés à la police pour 100 000 personnes. Mais si 42 596 viols ont été comptabilisés en Afrique du Sud en 2015-16, cela signifie que, compte-tenu des coefficients correcteurs utilisés par les différents observateurs de Africa Check – prise en compte des types et périodes de mesure, des différents types d’agressions, de la population au moment de la mesure –, 77 viols pour 100 000 ont été commis. Source : Kate Wilkinson, GUIDE: Rape statistics in South Africa, Africa Check, 20 octobre 2017.

[40] Ufrieda Ho, « Data distortion: Rape is not a numbers game », Health-E News, 31 juillet 2017, p. 1.

[41] Ibid., p. 2.

[42] Cape Town Rape Crisis centre, <https://web.archive.org/web/20001002065959/http://www.rapecrisis.org.za/statistics.htm&gt;, consulté le 27 octobre 2017.

[43] Jewkes et alii, Understanding Men’s Health…, op. cit., p. 5.

[44] Marianne Meunier, « Campagne contre le viol », Jeune Afrique, mars 2008.

[45] René Degni-Segui, Rapporteur spécial de la Commission des droits humains des Nations Unies 1996, Report on the Situation of Human Rights in Rwanda (rapport de l’ONU de 1996), paragraphe 20 de la résolution S-3/1 du 25 mai 1994, E/CN.4/1996/68, 29 janvier 1996, p. 7.

[46] Voir Médecins Sans Frontières, 8 mars 2005, The Crushing Burden of Rape – Sexual Violence in Darfur, Amsterdam, <http://www.doctorswithoutborders.org/sites/usa/files/sudan03.pdf&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

[47] Le terme « féminicide » est inspiré du terme « sexocide » et le précise. Dans son ouvrage Le sexocide des sorcières, l’écrivaine française Françoise d’Eaubonne fait référence à la vague d’assassinats systématiques des sorcières puis des femmes pendant deux siècles en France, celui de la Renaissance et de l’âge classique. Par cette immersion dans la chasse aux sorcières à l’initiative des catholiques, elle crée le concept de « phallo logos » qui qualifie, à partir du phantasme de l’absence de l’« autre », d’un univers qui serait le même, uniforme – la culture du Dieu « Logos », « raison » en grec – le rêve de voir les femmes disparaître, tout en acceptant qu’elles existent : D’Eaubonne Françoise, Le Sexocide des sorcières, Paris, Esprit Frappeur, 1999. Le terme « féminicide » qualifie donc tout acte qui tente d’éliminer les femmes. Il a particulièrement été utilisé pour caractériser les assassinats organisés de femmes dans les maquiladoras de Ciudad Juarez au Mexique (voir Michel Wieviorka et Jean-Paul Brodeur, L’Empire américain ?, Paris, Jacob Duvernet, 2004). Il est aujourd’hui utilisé en Afrique du Sud pour qualifier les assassinats des lesbiennes et les meurtres des femmes par leurs maris, considérés comme des « homicides de femmes » : Shanaaz Mathews et alii, « Intimate femicide–suicide in South Africa: a cross-sectional study », Bulletin de l’OMS, N° 86, 2008/7, pp. 552-558.

[48] Naeemah Abrahams, Shanaaz Mathews, Lorna J. Martin, Carl Lombard, Rachel Jewkes, « Intimate Partner Femicide in South Africa in 1999 and 2009 », PLoS Med 10 (4), 2013.

[49] Gopolang Makou, « Femicide in South Africa: 3 numbers about the murdering of women investigated », Africa Check, 13 juillet 2017.

[50] Avec ce taux de 9,6/100 000 femmes, l’Afrique du Sud se situe en quatrième position mondiale derrière le Salvador (12), la Jamaïque (10.9), le Guatemala (9,7). « Femicide:
A Global Problem », Small Arms Survey Research Notes 14, février 2012, p. 3.

[51] Shanaaz Mathews et alii, Every Six Hours a Woman is Killed by her Intimate Partner – A National Study of Female Homicide in South Africa, Medical Research Council, 2004.

[52] Naeemah Abrahams and alii, « Intimate Partner Femicide in South Africa in 1999 and 2009 », op. cit.

[53] Lori Heise et Claudia Garcia-Moreno, « Violence by intimate partners », in Etienne Krug, Linda Dahlberg, James Mercy, Anthony Zwi et Rafael Lozano (dir.), World Report on Violence and Health, Genève, World Health Organization, 2002, pp. 87-122.

[54] Shanaaz Mathews et alii, Every Six Hours a Woman is Killed by her Intimate Partner…, op. cit.

[55] D’autres initiatives de ce type se multiplient sur les réseaux sociaux. Par exemple, en avril 2016, le hashtag #Weareoneofthree rappelle qu’une femme sur trois est susceptible de subir une agression sexuelle. #RURefenrencelist fait référence à une liste diffusée par les étudiants de Rhodes qui dénoncent les violeurs vivant sur le campus. #Chapter2.1.2, quant à lui, met en exergue le chapitre de la Constitution qui condamne les abus à l’encontre des femmes. Clotilde Alfsen et Clélia Bénard, « Être une femme noire, le double combat des étudiantes sud-africaines », Cheek Magazine, 26 juillet 2016.

[56] Andie Reeves, « #Menaretrash: The Inevitable Backlash To Sa’s Femicide Problem », Marie-Claire, 12 mai 2017.

[57] Nicole-Claude Mathieu, L’arraisonnement des femmes. Essais en anthropologie des sexes, Paris, Éditions de l’EHESS « Cahiers de l’Homme », 1985.

[58] Selon Andrée Michel, le patriarcat est un système qui utilise – ouvertement ou de façon plus subtile – tous les mécanismes institutionnels et idéologiques à sa portée (le droit, la politique, l’économie, la morale, la science, la médecine, la mode, la culture, l’éducation, les médias, etc.) afin de reproduire les rapports de domination entre les hommes et les femmes, de même que le capitalisme les utilise pour se perpétuer. Selon Christine Delphy, « le patriarcat est littéralement l’autorité du père ». Andrée Michel, Que sais-je. Le Féminisme, Paris, PUF, 1980, 2e édition mise à jour : 4e trimestre 1980, 128 p. ; Christine Delphy, « Théories du patriarcat », in Hirata Helena & alii (dir.), Dictionnaire critique du féminisme, Paris, PUF, 2000, (2e édition augmentée 2004), 315 p., pp. 141-146.

[59] Clotilde Alfsen et Clélia Bénard, op. cit.

[60] Georgia Duerst-Lahti et Rita Mae Kelly, Gender Power, …, op. cit, p. 83.

[61] Voir notamment Stéphanie Plasse, « Afrique du Sud : Jacob Zuma sur les traces de Thabo Mbeki ? », Afrik.com, 19 décembre 2007, <http://www.afrik.com/article13205.html&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

[62] Citation originale : “I was also happy because I wouldn’t want to stay with daughters who are not getting married. Because that in itself is a problem in society. I know that people today think being single is nice. It’s actually not right. That’s a distortion. You’ve got to have kids. Kids are important to a woman because they actually give an extra training to a woman, to be a mother.”, Mandy De Waal, « Jacob Zuma – from Polokwane to Mangaung », Daily Maverick, décembre 2012, <https://www.dailymaverick.co.za/article/2012-12-18-jacob-zuma-from-polokwane-to-mangaung/#.WddK–mM0_U&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

[63] Christi Van Der Westhuizen, “100% Zulu Boy”: Jacob Zuma And The Use Of Gender In The Run-up To South Africa’s 2009 Election, Women’s Net, 2009, <https://za.boell.org/2014/02/03/100-zulu-boy-jacob-zuma-and-use-gender-run-south-africas-2009-election-publications&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

[64] Ibid.

[65] Ibid.

[66] Ibid.

[67] James Hamill, « Those who brought Zuma to power shouldn’t be forgotten, or forgiven », The Conversation, 24 août 2017.

[68] Sindiso Magaqa, qui fut autrefois Secrétaire général de la Ligue de la jeunesse de l’ANC, a été tué en septembre 2017. Il est la 35e personne à avoir été assassiné dans la province du KwaZulu-Natal depuis le début de l’année. Les observateurs parlent de « violence politique ».

[69] Sain Raahil, « Education activist jumps to Manana’s defence », African News Agency, 9 août 2017.

[70] La Ligue des femmes avait soutenu Zuma lors de son procès pour viol. Elle a été formée en 1948, après que les femmes aient été formellement admises en tant que membres du parti en 1943 alors que l’ANC est né en 1912.

[71] « Afrique du Sud : une partie de l’ANC soutient Ramaphosa, plongé dans un scandale », RFI Afrique, 5 septembre 2017.

[72] « #Ramaphosa in womanising e-mail shock », Sunday Independent, 3 septembre 2017.

[73] Mzilikazi Wa Afrika, « Ramaphosa speaks out: I’m not a blesser, but I did have an affair », Sunday Times, 3 septembre 2017.

[74] Ibid.

[75] Ibid.

[76] Christine Bard (dir.), Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999, p. 17.

[77] Christi Van Der Westhuizen, “100% Zulu Boy”, op. cit.

[78] Steven Robins, «Sexual Politics and the Zuma Rape Trial», Journal of Southern African Studies, n° 34, 2008/2.

[79] Christi Van Der Westhuizen, “100% Zulu Boy”, op. cit.

[80] Le kraal est un terme Afrikaner qui désigne un parc à bestiaux ou un enclos fermé où résident des notables. Il était autrefois entouré d’un rempart d’épines en forme de palissade dans le but de le protéger des intrus.

[81] Cette chanson militante en langue zouloue est apparue en Afrique du Sud pendant la période de l’apartheid et était entonnée par les membres clandestins de l’ANC.

[82] Lisa A. Lindsay, « Working with Gender: The Emergence of the “Male Breadwinner” in Colonial Southwestern Nigeria », in Catherine Cole, Takyiwaa Manuh et Stephan F. Miescher (dir.), Africa After Gender?, Indiana University Press, 2007, pp. 241-252.

[83] Ibid.

[84] Angelica Pino, Equality Court Agrees, Speech Can Be Deadly Weapon, SANGONeT, 2010.

[85] Christi Van Der Westhuizen, “100% Zulu Boy”…, op. cit.

[86] Verashni Pillay, « Malema’s feminist mask slips over Zulu street meid comment », Mail and Guardian, 18 novembre 2014.

[87] Verashni Pillay, « Malema: South Africa’s feminism champion? », Mail and Guardian, 2 décembre 2013.

[88] Dans la foulée du procès pour viol de Zuma, de nouvelles organisations féministes ont vu le jour dont One in Nine. Cet élan a fait des émules : en 2015, à la Commission électorale indépendante, quatre jeunes femmes ont manifesté contre les violences de genre pendant le discours de Zuma, et, aujourd’hui, les « queer black feminists » occupent régulièrement les campus des universités et clament haut et fort qu’elles ne toléreront plus les violences.

[89] Julia Madibogo, « Why is the EFF’s Mbuyiseni Ndlozi the people’s bae? », Times Lives, 19 mai 2016.

[90] « ’I will not be monitored by a white boy’ : EFF’s Ndlozi », eNCA, 17 novembre 2015.

[91] « Old Ndlozi rape allegation gets revived”, The Citizen, 22 juillet 2016.

[92] Bongani Mbindwane, « Parliament: Ndlozi’s ‘mistress’ slight demeans women », Daily Maverick, 11 août 2015.

[93] Shirley Motleke Mahlase, The careers of women teachers under apartheid, Harare, SAPES Books, 1997, 207 p.

[94] « Ruth Mompati – South African History Online », sahistory.org.za.

[95] Shirley Motleke Mahlase, op. cit.

[96] Le discours paternaliste a vocation à infantiliser les femmes tout autant que tous les autres dominés (pauvres, jeunes, certaines ethnies) et situe les auteurs de ce discours, et en particulier les dirigeants politiques en pères, ayant autorité à diriger en tout désintérêt. Louis Moreau de Bellaing, « Paternalisme et contestation », Communications, XII, 1968, pp. 66-83.

[97] Les femmes ne représentent qu’un tiers des membres du parti. Sur 24 députés, 8 sont des femmes, ce qui constitue un taux en-dessous de la moyenne nationale. Source : Mari Harris, « The supporter profiles of SA’s three largest parties », Ipsos, 5 février 2014.

[98] Dans ce texte, nous avons fait le choix de ne pas traiter des rhétoriques et aux actes des autres partis et en particulier de la DA.

[99] Lisa A. Lindsay, « Working with Gender », op. cit.

[100] « Unemployment, female (% of female labor force) », International Labour Organization, ILOSTAT database, 2017, <https://data.worldbank.org/indicator/SL.UEM.TOTL.FE.ZS&gt;, consulté le 6 octobre 2017.

[101] Unemployment, total (% of total labor force) (modeled ILO estimate), Banque mondiale, 2017, <https://data.worldbank.org/indicator/SL.UEM.TOTL.ZS&gt;, consulté le 30 octobre 2017.

[102] Carlene Van Der Westhuizen, Sumayya Goga & Morné Oosthuizen, Women in the South African Labour Market 1995-­2005, document de travail pour la DPRU, 07/118, 2007, 53 p., p. 23

[103] « Gender Statistics in South Africa, 2011/Statistics South Africa », Statistics South Africa, Pretoria, Statistics South Africa, p. 31.

[104] Quarterly Labour Force Survey, Quarter 2, 2017, <http://www.statssa.gov.za/publications/P0211/P02112ndQuarter2017.pdf&gt;, consulté le 26 octobre 2017.

[105] Ibid.

[106] Nigel T. Patel, « Beware of the progressive patriarch », Mail and Guardian, juin 2017.

[107] « Not in my name’ march to the Union Buildings », Jacaranda FM News, mai 2017, <https://www.jacarandafm.com/news/news/not-my-name-march-union-buildings/&gt;, consulté le 31 janvier 2018.

[108] Nigel T. Patel, « Beware of the progressive patriarch », op. cit.

[109] Ibid.

[110] Lisa A. Lindsay, « Working with Gender », op. cit.

[111] Angela Davis, Femmes, race et classe, Paris, Des Femmes, 1983.

[112] Achille Mbembe, Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte, 2013.

[113] Amina Mire, « In/Through The Bodies Of Women: Rethinking Gender In African Politics », Ontario Institute for Studies in Education of the University of Toronto, Polis, VIII, numéro spécial 2001.

[114] Ketu Katrak, The Politics of the Female Body: Postcolonial Women Writers of the Third World, New Jersey, Rutgers University Press, 2006, p. 2.

[115] Paola Tabet, La Grande Arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, 2004.

[116] Maitrayee Mukhopadhyay et Shamin Meer, Creating Voice and Carving Space: Redefining Governance from a Gender Perspective, Amsterdam, KIT Publishers, 2004, p. 141.

[117] Nancy Murray, « Somewhere over the rainbow. A journey to the new South Africa », Race and Class, XXXVIII (3), 1997, pp. 1-24.

[118] Carlene Van Der Westhuizen, Sumayya Goga & Morné Oosthuizen, Women in the South African Labour Market 1995-­2005, op. cit.

[119] Témoignage recueilli au Cap en décembre 2008 lors de l’enquête de terrain réalisée dans le cadre de la thèse de doctorat en science politique que nous avons soutenue en 2011, intitulée « Genre et Internet – Effets politiques des usages de l’internet par des organisations de femmes ou féministes en contexte de domination masculine et colonialitaire : les cas de l’Afrique du sud et du Sénégal ».

[120] Helen Moffett, « The Political Economy of Sexual Violence in Post-Apartheid South Africa », contribution présentée au colloque du 10e anniversaire du Harold Wolpe Memorial Trust, « Engaging Silences and Unresolved Issues in the Political Economy of South Africa », 21-23 septembre 2006, Le Cap, Afrique du Sud.

[121] Gus T. Renegade, The C.O.W.S. w/CREE, Emasculation & Castration of Black Males, émission de radio, 18 janvier 2010.

[122] Christa Baiada, « On Women, Bodies, and Nation: Feminist Critique and Revision in Zoë Wicomb’s “David’s story” », African studies, n° 67, 2008/1, pp. 33-47.

[123] Le 11 février 1990, lors de sa sortie de la prison de Paarl à une cinquantaine de kilomètres du Cap, où il est en résidence surveillée depuis un peu plus d’un an après avoir connu plus de vingt années de bagne sur Robben Island, Nelson Mandela prononce un discours qui va animer une bonne part des actes de l’ANC. Il dira notamment : « J’ai caressé l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle tous vivraient ensemble en harmonie et dans l’égalité des chances ».

[124] Adam Habib, « South Africa’s Foreign Policy: Hegemonic Aspirations, Neoliberal Orientations and Global Transformation », contribution lue lors de la première conférence du Regional Powers Network (RPN) à l’Institut allemand des Études mondiales et territoriales (GIGA) à Hambourg, Allemagne, 15-16 septembre 2008.

[125] Laura Hebert, « Women’s Social Movements, Territorialism and Gender Transformation: A Case Study of South Africa », contribution présentée lors de la rencontre annuelle de l’Association américaine de Sciences politiques, Washington, 1er septembre 2005 ; Lahoucine Ouzgane et Robert Morrell (dir.), African Masculinities: Men in Africa from the Late 19th Century to the Present, New York, Palgrave Macmillan, 2005.

[126] Patrick Bond, Elite Transition, Londres, Pluto Press, 2000.

[127] Jeremy Seekings, « The Continuing Salience of Race: Discrimination and Diversity in South Africa », Journal of Contemporary African Studies, n° 26, 2008/1.

[128] Patricia McFadden, « African Feminism at the Intersection with Globalization: Critiquing the Past, Crafting the Future », contribution donnée à l’Université d’Oslo en Norvège en juin 2005.

[129] Anibal Quijano, « Colonialité du pouvoir et démocratie en Amérique latine », Multitudes, juin 1994.

[130] L’universalisme abstrait représente un mode de pensée qui considère l’univers comme une entité englobant tous les êtres humains, sans différenciation de genre, de classe ou de race. Voir notamment Mondher Kilani, « Ethnocentrisme », in Sylvie Mesure & Patrick Savidan (dir.) Dictionnaire des sciences humaines, Paris, PUF, 2006, pp. 414-415.

[131] Gayatri Chakravorty Spivak, In Other Worlds: Essays in Cultural Politics, New York, Routledge, 1988, p. 204, traduction française : En d’autres mondes, en d’autres mots, Essais de politique culturelle, Paris, Payot, 2009.

[132] Il existe des actions transgressives de genre qui passent par la libération de savoirs intimes de femmes de la base en milieu urbain ou rural : voir Joëlle Palmieri, « Les femmes non connectées, une identité et des savoirs invisibles », Recherches féministes, vol. 25, n° 2, 2012, pp. 182-186.